Armand
Je reprends mon blog laissé depuis quelque temps...J'ai décidé d'écrire quelques historiettes qui ont toutes comme toile de fond le bord de mer de Saint-
Nazaire...
Armand, le
6 février 2016
« C’était un pov’gars Qui s’appelait Armand
L’avait pas de papa L’avait pas de maman »
C’était pas
son cas à notre petit Armand. Lui il avait un papa et une maman tellement jolie
et qui l’aimaient à la folie .C’est vrai qu’il était mignon, toujours le
sourire aux lèvres, un bébé extra, sans caprices et qui dormait comme un ange.
Toujours heureux . Jusqu’au jour (il s’en souviendra toujours) quand, au
square, une maman était venue chercher la petite fille qui jouait avec lui et
en l’entrainant avait dit : « je t’ai déjà dit de ne pas jouer avec
eux ! »Il n’avait pas compris pourquoi sa maman s’était levée et
l’avait ramené à la maison sans rien dire : il avait fait quelque chose de
mal mais quoi ?
C’était la
première fois qu’il était confronté aux « méchants » comme il les
avait baptisés par la suite, ceux qui ne supportaient pas la moindre
différence. Il était beau comme un Dieu mais un Dieu africain car ses parents
étaient d’origine sénégalaise et même si, maintenant, ils étaient français ils
avaient gardé une petite touche de leurs origines : une peau d’ébène
magnifique.
Après cet
incident il y en eut d’autres. Il n’en parlait pas mais il savait que ses
parents eux aussi souffraient de réflexions racistes. Il ne connaissait pas encore ce mot
là mais il l’avait déjà expérimenté et il sentait confusément qu’il devait
épargner ses parents et ne pas parler de ça !
Au printemps
de l’année de ses 7ans ses parents décidèrent de partir en vacances avec toute la petite famille (il avait
maintenant une petite sœur de deux ans, Julie) :
- on va aller au bord de la mer, tu
pourras te baigner et ton papa va t’apprendre à nager, on sera bien là- bas.
-c’est où
là- bas ?
-c’est à
Saint-Nazaire . On ne connait pas mais c’est pas trop loin et on a trouvé une
location juste auprès de la mer.
On ne le
tenait plus le petit Armand, c’est la première fois qu’il partait en vacances,
au bord de la mer et avec ses parents, c’était que du bonheur. Faut dire que,
dans la banlieue parisienne, même si les parents travaillent tous les deux
c’est pas facile de joindre les deux bouts. Alors ces vacances !...
Ils ont
rempli la voiture et, comme tous les parisiens, sont partis sur les routes de
France : la transhumance de juillet commençait. Arrivés ils ont compris
pourquoi la location était intéressante : la ville n’était pas très
touristique et le trajet jusqu’à leur location (près du parc paysager)
n’offrait pas grand intérêt. Les parents commençaient à douter de leur choix.
Mais à leur arrivée quelle surprise ! La propriétaire était là tout
sourire, une bise à Armand et à Julie et on entre dans l’appartement :
superbe ! Deux chambres, un salon et une vraie cuisine et à 300mètres de
la mer ! Elle leur explique que l’appartement étant loué le reste de
l’année à des étudiants elle pouvait se permettre de faire des prix bas pour
les locations saisonnières. A l’intérieur elle avait mis un beau bouquet de
fleurs sur la table et le frigo était plein des produits de première nécessité
comme elle disait ! Mais je t’en fous Armand savait bien que les chocolats
et les bonbons n’étaient pas de première nécessité !
Ils étaient
tous un peu fatigués et ils ont bien dormi après avoir mangé ce qui était
« de première nécessité ». Le lendemain direction la plage et les
jeux gratuits qui sont près de la jetée. Ce qu’il s’est amusé Armand avec tous
ses petits copains et sa maman qui bavardait avec les autres mamans. Et
papa ? papa se rappelait du Sénégal et nageait comme un champion. Le soir
la propriétaire est revenu avec un petit vélo et un beau casque
-mes petits
enfants ne sont pas là alors si ça peut servir c’est mieux, non ?
Dès le
lendemain Armand s’essayait au vélo mais papa n’y connaissait rien et
l’apprentissage s’avérait difficile. Un monsieur qui passait par là s’est
arrêté et a proposé ses services-il était bénévole dans une association et
avait l’habitude d’initier les adultes au vélo -alors un enfant c’est encore
plus facile !Au bout d’une semaine Armand était sur son vélo comme un
poisson dans l’eau.
Le mois est
passé à une vitesse folle et avec tristesse il a fallu penser au retour. Armand
d’habitude si souriant s’est mis à pleurer, inconsolable. Il voulait rester là
et à sa mère il a fini par avouer :
-Y a pas de
méchants...
Elle a
compris. Pendant un mois personne n’avait jamais fait allusion à leur couleur
de peau, même mieux certaines l’avaient enviée de ne pas avoir besoin de rester
des heures au soleil pour bronzer !
Alors du ton
grave de celle qui fait une vraie promesse :
- on
reviendra vivre ici mais il faut bien rentrer pour travailler mais on
reviendra...
Armand a
suivi confiant, il savait que sa mère ne lui mentait jamais.
Deux ans ont
passé, le temps de s’organiser, pour sa maman obtenir sa mutation à l’hopital (c’était
le plus facile) et pour son papa un nouveau travail (ça c’était plus compliqué
) et comme promis toute la famille est revenue à Saint- Nazaire.
Maintenant
quand on demande à Armand de quelle nationalité il est, il ne répond pas
français ou sénégalais il répond fièrement en bombant le torse
-Je suis
nazairien !
Annie
LEMAITRE
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